Uromyces aloes (Cooke) Magnus (Pucciniaceae, Uredinales) nouveau pour la France
A Rust fungi collected at Banyuls (Jardin méditerranéen du laboratoire Arago) on two Aloe species is identified as Uromyces aloes (Cooke) Magnus. Probabily introduced from Spain it is discovered for the first time in France (04/2015).
Une attaque parasitaire a été récemment observée sur des plantes d’Aloe, d’abord Aloe vera (L.) Burm puis Aloe maculata All., au Jardin méditerranéen du laboratoire Arago à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales).
Les symptômes typiques d’une infection par une rouille se traduisent par des taches rougeâtres, isolées ou confluentes et sur lesquelles apparaissent des pustules en disposition concentrique. L'épiderme éclate au niveau de ces pustules qui laissent échapper une sporulation brun sombre. L’examen microscopique montre des téliospores unicellulaires. Le parasite a été identifié comme Uromyces aloes (Cooke) Magnus, qui n'avait jamais été signalé en France.
Le début des infections se manifeste par l’apparition d’une zone jaunâtre arrondie au centre de laquelle apparaissent de petites pustules qui correspondent à des spermogonies avortées.
Elles sont rapidement suivies de téliospores d’abord recouvertes par l’épiderme. Les taches s’agrandissent, d’autres téliospores apparaissent à leur périphérie, sur les deux faces de la feuille et forment plusieurs cercles concentriques. Les taches s’agrandissent et peuvent venir au contact, mais ne semblent pas confluer.
Les téliospores ovoïdes ou ellipsoïdes, mesurent 30-48 x 25-34 µm. La paroi, brune, est épaisse (4 à 6 µm) et régulière sur tout le pourtour. La surface est indistinctement verruqueuse. Le pore germinatif, lui aussi peu distinct est apical et parfois couvert d’une mince papille hyaline. Le pédicelle se rompt très près de la spore qui est souvent caduque. Il semble que le caractère de verrucosité des téliospores soit très variable puisque d’après les descriptions de différents auteurs, il est tantôt bien marqué, tantôt complètement absent. En revanche la forte épaisseur de la paroi est un élément constant.
Place dans le genre Uromyces
Guyot (1951) considère que, parmi les Uromyces dont les téliospores se développent sur Liliacées, U. aloes appartient à sa section des verrucosi-Uromyces. Mais il y occuperait une place un peu à part :
« par ses caractères morphologiques autres que la verrucosité de l’épispore, U. aloes s’apparente étroitement aux crassi-Uromyces, vers lesquels il marque un terme de passage ».
Si Aloe est maintenant placé dans une famille différente (Asphodelaceae), il faut remarquer qu’un certain nombre de rouilles des genres Uromyces et Puccinia parasitant des plantes de cette famille possèdent des téliospores à paroi très épaisse.
Distribution géographique et origine de l’introduction
Le genre Aloe est essentiellement répandu, dans le Sud et l’Est du continent africain, du Cap à l’Erythrée et dans la péninsule arabique. Leur rouille est originaire de ces mêmes régions. Les deux premiers échantillons décrits proviennent du Natal (Cooke, 1892) et d’Erythrée (Hennings, 1892). Elle attaque diverses espèces de ce genre ainsi que les genres Gasteria et Hawortia et y serait très répandue (Doidge, 1945). Mais la rouille, comme ses supports, n’est pas restée cantonnée à ces régions. Les Aloès ont été largement exportés comme plantes ornementales et médicinales (en particulier Aloe vera), si bien que Uromyces aloes est maintenant connu dans de nombreuses régions chaudes du globe : Madagascar, Inde (Soni et al., 2011). La Rouille a été introduite dans des serres en Grande-Bretagne mais éliminée tout aussi tôt « The rust was found on recently imported plants and, after the removal of the infected leaves did not appear again » (Wilson & Henderson 1966).
Il est certain que le champignon n’est pas arrivé à Banyuls en même temps que les plantes hôtes qui sont présentes là depuis plusieurs années et n’avaient, jusqu’à présent, montré aucun signe d’infection. En revanche l’un de nous (J.-L. J.) a constaté la présence de la rouille au Jardí Botànic de Cap Roig (jardin méditerranéen de Cap Roig à Palafrugell, Girona) où elle provoque des infestations massives. Cette station se situe à moins de 100 km à vol d’oiseau de Banyuls. On peut donc envisager un transport éolien des spores par fort vent de Sud. Une autre possibilité est par anthropochorie par les vêtements d’un curieux de botanique qui aurait visité successivement les deux jardins, ce qui n’a rien d’extraordinaire étant donné leur proximité relative. La présence d’Uromyces en Espagne est déjà attestée depuis un certain temps. Elle est en particulier signalée en Catalogne depuis 2004 (Alvarez et al., 2004).
Bibliographie
Alvarez, L.A., Vicent, A., Armengol, J., García Jimenez, J., García-Figuerez F. et Montón, C. (2004). - Detección de Uromyces aloe sobre Aloe vera. Phytoma España 163, p. 22-25.
Doidge E.M.(1939). - South African Rust fungi III. Bothalia, 5, p. 895-918.
Doidge E.M.(1939). - The South African fungi and lichens to the end of 1945. Bothalia, 5, p.1–1094.
Guyot A.L. (1951) - Les Urédinées (ou Rouilles des végétaux) : étude morphologique et biologique des champignons de ce groupe qui vivent en Europe, Asie occidentale, Afrique septentrionale et révision des espèces connues dans les autres parties du monde. Genre Uromyces, Tome II. Paris, P. Lechevalier, 331 p.
Magnus P. (1892). - Über einige von Prof. G. Schweinfurth in der italienischen Colonie Eritrea desammelte Uredineen. Berichte der Deutschen Botanischen Gesellschaft, 10, p. 43
Maier W., Wingfield B.D., Mennicken M., Wingfield M.J. (2007). - Polyphyly and two emerging lineages in the rust genera Puccinia and Uromyces. Mycological Research ,111, p. 176–185.
Wilson M. et Henderson D. M. (1966). - British Rust Fungi. Cambridge : University Press, 384 p.
Soni K.K., Pyasi A., Tiwari P. et Verma R. K. (2011). - A New Record on Occurrence of Aloe vera Rust (Uromyces aloës) from Madhya Pradesh, India. J. Mycol. Plant Pathol., Vol. 41, No 4 : 644-646.
Les auteurs : Jean-Louis Jalla, Guy Durrieu, Benjamin Falgas