Le genre Lichenomphalia regroupe des champignons omphaloïdes (petits basidiomycètes à lames, à silhouette d’omphales) associés avec des algues, ce sont donc des lichens à part entière comme tous les ascomycètes lichénisés qui sont bien plus nombreux. Avant que leur symbiose lichénique ne soit découverte, les espèces de ce genre ont été classés dans divers genres de basidiomycètes (par exemple Clitocybe, Omphalina, Geronema…) et, depuis la découverte de leur lichénisation, dans les genres d’algues qui leur sont associés : Botrydina, Coriscium, Phycoconis. Mais le code de nomenclature précise que les lichens doivent porter le nom du partenaire fongique et non pas celui du photobionte associé (algue verte dans ce cas). Aussi, Redhead et al. (2002) ont publié le genre Lichenomphalia pour ces « omphales » lichénisées.
Redhead S. A., Lutzoni F., Moncalvo J.-M. & Vilgalys R., 2002. Phylogeny of agarics: partial systematics solutions for core omphalinoid genera in the Agaricales (euagarics). Mycotaxon 83 : 19-57.
RÉSUMÉ : La taxonomie des espèces précédemment assignées à Omphalina sensu lato ou à Clitocybe est réévaluée à la lumière des récentes hypothèses phylogénétiques à base moléculaire. Les complications nomenclaturales impliquant les noms génériques et spécifiques, les lectotypifications et les modifications du Code sont analysées. Lichenomphalia gen. nov. (type Hygrophorus hudsonianus, syn. Omphalina hudsoniana) est proposé pour les anciennes omphalines lichénisées…
Pour résumer plus simplement, le genre Lichenomphalia regroupe de petites espèces, au port d’Omphales, à sporée blanche, et à hyphes non bouclées. Toutes les espèces sont associées à une algue. Soit un Botrydina (petites bulbilles vertes), soit un Coriscium (petites lames vertes, bordées de blanc).
Dans notre zone d’exploration mycologiques, sur les deux départements des Pyrénées-Orientales et de l'Aude, nous avons récolté quatre espèces de ce genre et une forme :
Lichenomphalia umbellifera (L.) Redhead, Lutzoni, Moncalvo & Vilgalys
Lichenomphalia umbellifera f. bispora (F.H.Møller) P.-A.Moreau & Courtec.
Lichenomphalia hudsoniana(H.S. Jenn.) Redhead, Lutzoni, Moncalvo & Vilgalys
Lichenomphalia meridionalis (Contu & La Rocca) P.-A. Moreau & Courtec.
Les données anciennes sont extraites de: https://fongibase.adonif.fr/recherche-par-formulaire/
Lichenomphalia umbellifera (L.) Redhead, Lutzoni, Moncalvo & Vilgalys
De loin le plus fréquent des quatre.
Récolté souvent, généralement en montagne, sur talus, tronc dégradé, Mais aussi buttes de sphaignes.
Pyrénées Orientales et Aude.
La cime du stipe avec toujours des teintes violettes, et des globules de cellules algales (Botrydina) à la base.
Globules du thalle constituées d’hyphes du Globule de cellules algales entouré par les hyphes du champignon et des cellules mycélium
algales du genre Botrydina
Lichenomphalia umbellifera f. bispora (F.H.Møller) P.-A.Moreau & Courtec.
Encore un Lichenomphalia umbellifera mais l'examen au microscope révèle que les basides sont bisporiques donc c'est la forme bispora.
Récolte d'août 2019 dans la vallée de la Carença (Thuès-entre-Valls).
Lichenomphalia hudsoniana (H.S. Jenn.) Redhead, Lutzoni, Moncalvo & Vilgalys
L. hudsoniana Thalle squamuleux de type Coriscium
Une seule récolte de Mijo Gomez et JL Jalla, sur la commune de Counozouls (département de l'Aude), altitude : 1360 m à la limite du département des Pyrénées-Orientales, en juin 2021, tourbière boisée.
Espèce très rare, la seule récolte de la chaîne des Pyrénées (Selon le CNB P MP). Sur un tronc très décomposé. Exsiccata Serge POUMARAT-SP 2021-237.
Autres récoltes :
Noirétable-2005-09-03-Michel Renard
Saint-Priest-la-Prugne-2003-09-28-Michel Renard
Renaison-1998-06-06-Michel Renard
La Tuilière-1995-06-25-Michel Renard/Oscar Röllin
Le Fau-1913-08-01-Louis-Charles Lutz/Houard
(Pour confirmer que ces récoltes sont bien des Lichenomphalia, il serait nécessaire de vérifier l’absence de boucles sur les exsiccata)
Lichenomphalia meridionalis (Contu & La Rocca) P.-A. Moreau & Courtec.
Argelès-sur-Mer, le 10 janvier 2022, altitude 70 mètres, bord de piste, talus herbeux et moussu.
Découverte Mijo Gomez et Jean-Louis Jalla.
Qu’est qu’un Lichen ? Un lichen est une chimère (Selosse 2000). C’est l’association pérenne d’au moins deux organismes différents, créant ainsi une espèce qui a des caractéristiques originales. L’algue (le phytobionte) apporte les sucres, que le champignon (le mycobionte) est incapable de synthétiser, et le champignon apporte des sels minéraux que seul il est capable de collecter, et d’en faire profiter son partenaire algue. Souvent des bactéries participent à la symbiose. Le lichen est capable de coloniser des milieux très arides, où l’algue seule (et le champignon) ne pourrait pas se développer. Donc en simplifiant, on pourrait dire que la symbiose lichénique est une association, durable et réciproquement profitable, entre deux (ou plus) organismes vivants. Algue et champignon vivant en symbiose (lichen). Un lichen est donc toujours l’association d’un champignon (dans plus de 98 % un ascomycète) et d’un photobionte, algue ou cyanobactérie. Un Lichenomphalia est l’association d’un champignon, mais ici un basidiomycète, et d’une algue. D’après Guillaume Eyssartier (voir biblio) , il y a en Europe 8 ou 9 espèces de Lichenomphalia.
Ne pas confondre ! Champignon lichénisé, et champignon lichénicole. Champignon lichénisé signifie que le champignon participe à la symbiose lichénique. Il fait partie intégrante du lichen. Il en est le mycobionte. Champignon lichénicole signifie que le champignon se sert du substrat fourni par le lichen comme support. En général, il parasite le lichen.
Bibliographie sommaire :
Barassa, J.M. et Esteve-Raventós, F. - Redescription of Omphalina meridionalis. Mycotaxon, volume LXXV, 2020.
Bon, Marcel, 2012. - Champignons de France et d’Europe occidentale. Flammarion, 368 p. [Sous le nom de Gerronema ericetorum]
Contu, Marco et La Rocca, Salvadore , 1999. - Funghi della zona Mediterranea insulare Italiana. Fungi non delineati, Pars IX.
Courtecuisse R. & Duhem B., 2013. Guide des champignons de France et d’Europe. Delachaux et Niestlé, Lausanne, 540 p.
Eyssartier G., Roux P., 2013. - Le guide des champignons : France et Europe. 3ème éd. complétée et actualisée. Paris, Belin, 1119 p.
Eyssartier, Guillaume et Delannoy, Alain, 2004. - Note sur le genre LICHEOMPHALIA au SVALBARD et plus particulièrement sur L. alpina, basidiolichen peu commun. Bulletin de la Société Mycologique de France , 120 (1-4)
Moreau, Pierre-Arthur, 2005. – Les basidiolichens : des champignons (presque) comme les autres. Bull. mycol. bot. Dauphiné-Savoie, 178 , p. 75-80
Neville, Pierre et Fouchier, Francis, 2009. - Une nouvelle espèce méditerranéenne de Lichenomphalia: L. cinereispinula Neville & Fouchier nov. sp. Bulletin Semestriel de la Fédération des Associations Mycologiques Méditerranéennes, 36, p. 15 - 24. (suivi d'une clé des Lichenomphalia)
Phytoconis luteovitellina, bull. ALF 14(2) : 15, 1989,
Redhead, Scott A., François Lutzoni, Jean-Marc Moncalvo & Rytas Vilgalys, 2002. - Phylogeny of agarics: partial systematics solutions for core Omphalinoid genera in the Agaricales (Euagarics), Mycotaxon 83: 19-57 [Création du genre Lichenomphalia.]
Roux, Pierre, 2006. - Mille et un champignons. P. Roux, Sainte-Sigolène, 1224 p.
Remerciements :
à Serge Poumarat et Pierre Roux pour leurs relectures critiques et les modifications proposées.
Ils vont également à Pierre-Arthur Moreau pour son aide pour les récoltes dans FongiBase.
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