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Mijo Gomez

Allumer le feu : Fomes fomentarius

Dernière mise à jour : 8 nov. 2020


Fomes fomentarius (L. : Fr.) Fr. se développe pendant plus de vingt ans, rajoutant chaque année une cerne à sa console jusqu'à atteindre 50 cm de diamètre, 20 cm d'épaisseur et un poids de 2 kg.

Pour protéger son hyménium des intempéries et pour une meilleure dispersion des spores Fomes fomentarius, à l'instar d'autres polypores, l'oriente toujours vers le bas. Grâce à ce géotropisme ils s’adaptent à l’orientation du support.

Le champignon commence à pousser sur l’arbre encore vivant et debout puis quand l’arbre tombe, demi tour, il continue sa croissance pour que l’hyménium regarde encore vers le sol.

Fomes Fomentarius (L. : Fr.) Fr. appelé amadouvier est un parasite qui attaque les arbres blessés ou affaiblis, platanes, bouleaux, peupliers, chênes et surtout le hêtre.

Ce lignivore décompose l’arbre en une pourriture blanche et pousse jusqu’à épuisement du support.

Une substance brune ouatinée, souple et douce se trouve entre la cuticule et les tubes : l’amadou. Bien avant que je m’en serve à la pêche à la truite pour sécher mes mouches artificielles, les humains l’ont utilisé pour faire du feu, des vêtements, du tabac à priser, des pansements, des masques de cérémonie, des objets de décoration, de cultes…

Des restes d’amadou datant du mésolithique (10 000 à 5000 ans avant J. - C.) attestent de son utilisation comme initiateur de feu. Selon l'anthropologue Claude Lévi-Strauss l'emploi de l'amadouvier comme mèche inflammable est attesté depuis le Maglemosien c'est-à-dire le début du mésolithique. Ötzi l’homme des glaces (- 4500 ans) portait un nécessaire à feu avec amadou, silex et pyrite dans son sac.

Il semble que l’amadou soit le champignon le plus efficace pour allumer un feu même s’il pouvait être, à l’occasion, remplacé par Piptoporus betulinus (Bull.) P. Karst, Boletus luridus Schaeff., Bovista plumbea Pers ou d’autres lycoperdons (les "puffballs" selon R. G. Wasson). Le faux amadouvier Phellinus igniarius (L.) Quél. était, par contre, bien plus efficace pour conserver les braises.

L'emploi de l'amadouvier générait un commerce considérable qui s'éteignit avec la diffusion des allumettes phosphorées au début du 20e siècle.

Mais il avait aussi d'autres usages.

En pharmacologie, l'amadou est cité la première fois par Hippocrate au Ve siècle av. J.-C. Puis en 1753, dans son livre Sur un moyen d'arrêter le sang des artères sans le secours de la ligature, le chirurgien en chef des Invalides écrivait comment l'utilisation de l'amadou avait permis de réussir plusieurs amputations.

Robert . G. Wasson et Valentina P. Wasson, auteurs de référence en ethnomycologie expliquent qu'en Amérique du Sud et du Nord les champignons de type polypores occupent une place importante dans les mythes et croyances.

Depuis que nous avons des briquets pour nos barbecues et des traitements hémostatiques plus efficaces, Fomes fomentarius peut terminer sa longue vie comme abri de colonies d’insectes (Clidae ou Tenebrionidae).

Bibliographie :

Adelon, N. - Dictionnaire de médecine ou Répertoire général des sciences médicales considérées sous le rapport théorique et pratique. Paris, Béchet, 1832-1846

Collina-Girard, J. - Le feu avant les allumettes : expérimentation et mythes techniques. Paris, Maison des sciences de l'homme, 1998, 146 p.

Durrieu,G. , Adhikari, M. K., Girolami, J.-P. - Ethnomycologie népalaise : masques en polypores. Bull. de la Société mycologique de France, 130(1-2), p. 57-71.

Lévi-Strauss C. - Les Champignons dans la culture. A propos d'un livre de M. R. G. Wasson. In: L'Homme, 1970, tome 10 n°1. p. 5-16. [Disponible sur Internet , consulté le 05/12/2018]

Wasson, R. G., Wasson, V. P. - Mushrooms, Russia and history. Vol. 1. New York : Pantheon books, 1957, 213 p. [Disponible sur Internet Consulté le 05/12/2018].

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