Dans ce blog, nous avons vu il y a peu, une série de lactaires à lait rouge-orangé, de la section des Dapetes.
Aujourd'hui nous nous penchons sur des lactaires à lait jaune.
Roger Heim (1900-1979), mycologue et directeur du Muséum national d'histoire naturelle, plus connu pour ces recherches sur les champignons hallucinogènes classait les lactaires en 6 groupes suivant la couleur de leur lait : lait rouge, lait blanc, lait blanc rougissant, jaune, grisâtre ou violacé.
Parmi les lactaires à lait jaune ou jaunissant, peu nombreux, on peut citer L. scrobiculatus, L. decipiens, L. sphagneti ainsi que les deux lactaires ci-dessous récoltés dans la forêt du Reart: Lactarius mediterraneensis Llistos. & Bellù et Lactarius chrysorrheus Fr.
En décembre, nous avons récolté sur la commune de Torderes dans les Aspres, un lactaire baptisé sur le terrain Lactarius chrysorrheus. Mais, à la maison et après un examen plus approfondi, il s'est avéré qu'il s'agissait plutôt de Lactarius mediterraneensis.
Ces deux espèces ont en commun le jaunissement du lait et des teintes orangées pâles, souvent proches. Leur écologie peut aider à les séparer, bien qu'on puisse aussi récolter ces deux champignons dans le même biotope. Il nous a fallu regarder au microscope pour trouver les caractères qui permettent d'opter pour un nom ou un autre!
Description des deux taxons:
Lactarius mediterraneensis se trouve essentiellement sur terrain calcaire, sous chênes, surtout sous Quercus ilex (le chêne vert qu'on appelle Alzine en Pays Catalan). Ce champignon ne pousse qu'en région méditerranéenne.
Chapeau relativement grand, de 5 à 12 cm, plan convexe, hémisphérique, puis déprimé au centre ensuite.
Cuticule lisse, grasse si le temps est humide, sinon mate, souvent zonée, ocre-jaune, avec quelque fois des scrobicules plus foncés. Stipe plein au début, cassant, puis vite creux. Il est un peu plus clair que le chapeau, cylindrique et souvent atténué à la base et quelquefois scrobiculé, mais ce caractère ne s'exprime souvent que dans la vétusté. Des tâches de vieillesse en quelque sorte!
Le lait d'abord blanc jaunit en quelques minutes, mais reste toujours jaune pâle.
Sa chair est âcre, et son odeur acidulée.

Lactarius chrysorrheus peut également se trouver dans les mêmes biotopes que le précédent, mais il est beaucoup moins exigeant sur ses partenaires arbustifs. Tous les feuillus, châtaigniers, hêtres... lui conviennent mais sur terrain acide.
Chapeau de 4 à 8 cm, plan convexe, puis creusé en entonnoir à la fin. Couleur plus soutenue que L. mediterranneensis, ocre-roux, plus "chaud". Des scrobicules plus foncés.
Stipe plein, avec quelquefois un "épaississement basal".. Lait rapidement jaune, en quelques secondes, jaune bouton d'or, vif.

Donc sur le terrain, on peut hésiter entre ces deux taxons.
L'écologie peut nous venir en aide.
Sur terrain à tendance calcaire, ou argilo-calcaire, sous Quercus ilex, Quercus coccifera et avec un lait d'abord blanc, puis jaunissant en jaune pâle en quelques minutes, on pensera à Lactarius mediterraneensis.
Par contre sur terrain siliceux, et sous divers feuillus (hêtres, châtaigniers...) et si le lait est jaune d'or d’emblée, on pensera à Lactarius chrysorrheus.
Heureusement, arrivé à la maison, une étude de l'épicutis au microscope nous donnera un autre élément discriminant. En effet, on trouve dans la cuticule de Lactarius mediterraneensis des dermatocysdides typiques. Leur coloration, comme pour celles des russules à la sulfo-vanilline aide à les repérer. Attention toutefois de ne pas les confondre avec les laticifères (plus grêles, plus longs, et ramifiés).
