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Amanita lepiotoides f. lepiotoides retrouvée dans les Pyrénées-Orientales

Dernière mise à jour : 27 oct. 2020

Brève description, suivie d’une discussion, d’une première récolte depuis 42 ans dans les Pyrénées-Orientales d’Amanita lepiotoides f. lepiotoides.


Brief description, followed by a discussion of the first collection for 42 years in Pyrénées-Orientales of Amanita lepiotoides f. lepiotoides.




Lors d’une réunion mycologique , deux des auteurs (M.-J. Gomez et J.-L. Jalla) ont repéré dans une assiette une amanite mal déterminée qui leur a paru tout de suite très intéressante car jamais encore rencontrée. Ils ont eu le bon réflexe de photographier et préserver l’unique basidiome trouvé après avoir demandé tous les renseignements sur la station au récolteur. Intéressante, la récolte l’était effectivement car il s’agissait de la rare Amanita lepiotoides, dans sa forme type, dont peu de stations sont connues en France (Neville et Poumarat, 2004: 665-666). Cette récolte est la troisième portée à notre connaissance dans les Pyrénées-Orientales.



L’exsiccata est conservé dans l’herbier de Serge Poumarat (SP). Les préparations microscopiques ont été montées dans une solution de potasse à 3%, dans le rouge Congo ammoniacal ou SDS et dans le réactif de Melzer. Elles ont été observées avec un microscope à transmission Leitz Ortholux aux grossissements de x 100 à x 1000 ou avec un Leitz Orthoplan, aux mêmes grossissements. Photos réalisées avec un Nikon D300, un logiciel d’acquisition d’image et pilotage appareil DigiCamControl. Les mesures des éléments microscopiques ont été faites à l’aide du logiciel Piximètre (Henriot & Cheype, 2016) ou au micromètre étalonné



DESCRIPTION

Macroscopie

Basidiome haut de 16 cm, blanchâtre au départ, devenant spontanément et lentement brun rougeâtre dans toutes ses parties avec l’âge; la chair et les surfaces rougissent au froissement ou à la blessure.

Chapeau large de 7,5 cm, convexe, avec un large et bas mamelon, sec, recouvert au centre par un large lambeau du voile général fortement attaché, et, sur tout le restant de la surface, par de larges écailles apprimées, triangulaires ou trapézoïdales, provenant de la partie interne du voile général comme le montre la microscopie. Lames larges, peu serrées, blanc crème et se tachant lentement de brun rougeâtre au toucher. Stipe13,5 x 1,5 cm, furfuracé, à base légèrement bulbeuse et engainée par une volve membraneuse, épaisse et haute jusqu’à 4,8 cm. Anneau presque entièrement apprimé sur le stipe, formant une zone zébrée sous les lames par extension du stipe, jusqu’à une zone en faible relief, évanescente.

Microscopie

L’unique basidiome trouvé était quasiment immature, seules quelques spores amyloïdes ont pu être mesurées : toutes d’ellipsoïdes à oblongues, 9-12 x 6-7 µm, Q = 1,5-1,8.

Basides non bouclées, 45-61 x 8-12,5 µm.

Piléipellis constitué d’un cutis non gélifié, à hyphes cylindriques de diam. 3-8 µm, non bouclées. Voile général à couche externe constituée d’hyphes cylindriques non bouclées, de diamètre 5-14 (17) µm et à couche interne constituée d’hyphes cylindriques, de diamètre 4-8 µm et non bouclées et de cellules renflées assez nombreuses, souvent très grandes et clavées. On retrouve dans le lambeau couvrant le centre du chapeau la même stratification que dans toute l’épaisseur de la volve tandis que les écailles apprimées ont la structure de la partie interne de la volve. La réaction K-K est négative (voir Neville & Poumarat, 2004: 17).


Récolte étudiée

SP 2017-02, La Farga del Mig (commune de Saint-Laurent-de-Cerdans, Pyrénées-Orientales), vers 800 m d’altitude, en terrain siliceux, sous châtaigniers (Castanea sativa), orientation générale du terrain à l’ouest et pente du terrain de 36°. Leg. G. Lerouxel, le 18/06/2017.

EUNIS (European Nature Information System) : G1.7D9 Châtaigneraies à Castanea sativa franco-ibérique


Amanita lepiotoides f. lepiotoides Barla

DISCUSSION

Cette très rare amanite est facilement reconnaissable par son chapeau d’aspect lépiotoïde, caractère le plus immédiatement frappant, sa volve membraneuse épaisse et engainante, son anneau surtout apprimé sur le stipe avec un petit rebord libre fugace, son stipe plus long que le diamètre du chapeau, le rougissement de la chair et des surfaces au froissement ou à la blessure et le brunissement généralisé du basidiome en vieillissant, surtout très marqué au niveau des voiles général et partiel (squames sur le chapeau et zébrures en haut du stipe). Les spores amyloïdes et les autres caractères cités placent Amanita lepiotoides dans la série Amidella, auprès de A. curtipes et A. ponderosa et de leurs formes (Neville & Poumarat, 2004: 645-647). Ces dernières espèces s’en distinguent facilement par leur chapeau vite plan, voire plus ou moins déprimé au centre, leur stipe au plus égal au diamètre du chapeau dans la plupart des cas, le léger rosissement de la chair et des surfaces au froissement devenant ensuite roussâtre. Leurs surfaces deviennent aussi spontanément légèrement roussâtres en vieillissant (Neville & Poumarat, 2004: 647).

L’aspect lépiotoïde du chapeau d’A. lepiotoides est dû à une particularité du piléipellis et de la couche interne de la volve. En effet, le piléipellis n’est à aucun moment de son développement gélifié, ce qui ne facilite pas le glissement du voile général sur le chapeau lors de son étalement. De plus, la partie interne du voile général n’est pas constituée majoritairement de sphérocytes ou de cellules courtement et largement clavées qui pourraient faciliter le détachement du voile du piléipellis et permettre un glissement par effet de roulement à billes. Enfin, la couche interne, constituée d’hyphes cylindriques terminées par de longues et larges cellules clavées, se détache par contre facilement de la partie externe de la volve pour rester attachée à la surface du chapeau où elle se déchire en lambeaux lors de la croissance de celui-ci.

Les quelques spores observées sont nettement celles du type et non pas celles de la forme subcylindrospora Neville et Poumarat (Neville & Poumarat, 2004: 667-683). En outre, du fait de la présence de quelques hyphes gélifées en surface du piléipellis qui ne favorisent pas l’adhérence de la couche interne du voile général, le chapeau de la f. subcylindrospora n’a pas un aspect aussi fortement lépiotoïde que celui de la forme type (Neville & Poumarat, 2004: 681).


Des deux formes, la forme type est la plus rare.

Dans la littérature (par exemple: A Arrillaga et Mayoz , 2006) comme sur internet (par exemple: Anonyme, 2007; Bourbotte, 2006), nous avons vu plusieurs photos d’Amanita lepiotoides au sens large, très rarement avec la mention de la forme, quasiment jamais avec l’indication des mesures sporales. Pourtant, l’aspect macroscopique nous dirige toujours vers la f. subcylindrospora, jamais vers la forme type pour les sites visités [aucune indication de la taille des spores pour toutes les photos présentées sauf chez Arrillaga et Mayoz (2006), ce qui permet de confirmer que c’est bien la f. subcylindrospora qui est représentée].


Paradoxalement, Amanita lepiotoides f. lepiotoides est la seule forme signalée pour l’instant dans les Pyrénées-Orientales. Georges Lafuente l’avait récoltée en 1975 (Neville et Poumarat, 2004: 662).

Nous rectifions l’inversion des arbres et complétons l’écologie présentées par Neville et Poumarat (2004: 662) pour deux stations : à chaque fois un basidiome isolé dans deux stations situées toutes les deux dans le massif des Albères :

  • col de l’Ullat (commune de Laroque-des-Albères, Pyrénées-Orientales), vers 800 m, sous hêtres (Fagus sylvatica) avec présence aussi de pins laricio de Corse (Pinus nigra subsp. laricio) et de quelques châtaigniers (Castanea sativa),

  • Mas Reste (commune de l’Albère, Pyrénées-Orientales), vers 400 m, sous chênes verts (Quercus ilex) avec quelques châtaigniers (Castanea sativa).

La récolte étudiée ici est la première signalée dans ce département depuis 42 ans et la première dans la vallée du Vallespir, station peu éloignée des deux premières. La région des deux stations du massif des Albères et celle du Vallespir (Saint-Laurent-de-Cerdans) est une zone de transition entre le climat méditerranéen, en descendant la vallée du Tech, et un climat beaucoup plus montagnard vers l’amont du fleuve. Cette vallée est bien protégée de la tramontane, abritée par le massif du Canigó. À altitude égale, les pluies y sont plus abondantes que sur la vallée de la Têt, qui lui est parallèle à peu de distance et les entrées maritimes plus fréquentes. Des quantités d’eau particulièrement impressionnantes peuvent tomber en une seule fois.


En France, Amanita lepiotoides f. lepiotoides est, à notre connaissance, seulement connue des départements suivants (en ne considérant que les récoltes avec description des spores): Ain, Alpes-Maritimes, Pyrénées-Orientales et Jura (Neville et Poumarat, 2004: 662, 665-666; Sugny, 2007).


REMERCIEMENTS

Nos remerciements vont à Guy Lerouxel pour le don de sa récolte et les informations fournies sur la station et à Daniel Sugny pour l’envoi de son article.


BIBLIOGRAPHIE


Arrilaga P. et Mayoz I., 2006 [2005]. - Amanita lepiotoides Barla, primera cita para el País Vasco. Munibe, 56: 21-28.

Barla J. B.,1885.- Liste des champignons nouvellement observés dans le département des Alpes-Maritimes. Sous-Genre I. Amanita. Bull. Soc. Mycol. Fr., 1: 189-194.

Bourbotte O., 2006.- Amanita lepiotoides in Clic’Amanites (accessible sur internet: http://clicamanites.free.fr/Fiches.champignons/Photos/Amanita_lepiotoides/GP_amanita.lepiotoides.htmlconsulté le 25/08/2017).

Henriot A. et Cheype J.-L., 2016. - Piximètre : la mesure de dimensions sur images in ach.log.free (accessible sur internet: http://ach.log.free.fr/Piximetre/, consulté le 06/05/2017).

Neville P. et Poumarat S., 2004. - Amaniteae. Amanita, Limacella & Torrendia. Fungi Europaei 10. Éd. Candusso, Alassio, 1120 p.

Sociedad Micológica Errotari, 2007.- Amanita lepiotoides in Errotari.com (accessible sur internet: http://www.errotari.com/Micologia/especie.php?1080, consulté le 06/05/2017).

Sugny D., 2007. - Amanita lepiotoides Barla 1885 f. lepiotoides récoltée dans le sud de la Franche-Comté. Bull. Féd. mycol. Est, 5: 10-16.



(Cet article est adapté de l'original publié dans le Bulletin de la Fédération des Associations Mycologiques Méditerranéennes :

Poumarat S., Gomez M.J., et Jalla J.L., 2018. - Amanita lepiotoides f. lepiotoides retrouvée dans les Pyrénées-Orientales (France). Bulletin FAMM, N. S., 53: 43-48.)

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